d’Aldo Leopold.
Dans ce livre fondateur de l’écologie publié en 1949, émaillé de croquis, d’observations quotidiennes et de réflexions de portée plus générale sur les enjeux de notre rapport à la nature, Aldo Leopold, tour à tour chasseur, bûcheron, philosophe, scientifique et poète, nous apprend à « penser comme une montagne » et dessine les contours d’une « éthique de la terre » en arpentant un monde naturel qu’il connaît comme sa poche.
Avec son chien et son fusil, il parcourt, et nous parcourons avec lui, les territoires sauvages du comté de Sauk qui entourent sa ferme du Wisconsin, à la rencontre des arbres, des prairies, des loups, des cerfs, des moufettes et de mille et une espèces d’oiseaux dont les sublimes « vies minuscules » nous sont méticuleusement restituées, avec un subtil mélange de précision scientifique, d’admiration esthétique et d’émotion poétique : pluviers, bécasses, oies sauvages…
De ce compagnonnage quotidien avec la nature, Leopold tire une nouvelle éthique, non plus centrée sur les seuls êtres humains, mais élargie à l’échelle des écosystèmes naturels et de l’ensemble des processus biotiques qui les traversent : « l’éthique de la terre élargit simplement les frontières de la communauté de manière à y inclure le sol, l’eau, les plantes et les animaux ou, collectivement, la terre ». Il en déduit un nouveau principe de justice qui puisse être à la mesure de la solidarité globale entre les êtres vivants qui peuplent un territoire : « Une chose est juste lorsqu’elle tend à préserver l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Elle est injuste lorsqu’elle tend à l’inverse. »
L’observateur humain de la nature ne se conçoit plus orgueilleusement comme son sommet, mais comme un être vivant parmi d’autres, qui participe modestement à la perpétuation de la grande communauté évolutive des êtres vivants, moyennant un décentrage salutaire qui le conduit à renoncer à l’étroitesse de sa perspective anthropocentrique, sans pour autant renier la spécificité d’un regard humain sur son environnement.
Dans sa belle préface à la traduction française de l’ouvrage, J.M.G. Le Clézio nous fait part de son enthousiasme devant ce chef-d’œuvre absolu de la pensée écologique : « Voici un livre que tout le monde devrait porter avec soi ». On ne peut que lui donner raison.
Olivier
Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables, éd. Garnier-Flammarion.