d’Alexis Zimmer.

Comment, en 1930, l’« enquête » sur les brouillards qui, en décembre de cette année-là, ont semé la mort dans la vallée de la Meuse, l’une des plus industrialisées d’Europe, a-t-elle pu conclure au caractère « naturel » du désastre — incriminant la météo pour mieux innocenter les usines, déplorant la malchance qui frappe les « constitutions fragiles » pour mieux dédouaner l’industrie ? Répondant à cette question, Alexis Zimmer mène une « contre-enquête » qui est aussi bien une archéologie de notre modernité, de ses modes de production du savoir comme de ceux du charbon — et, avec et après lui, de myriades d’autres substances chimiques qui n’en finissent plus de traverser nos airs et nos corps. Car rouvrir l’enquête, ici, cela signifie déployer la conviction que cet événement-là doit être considéré comme l’indice d’un « processus toujours en cours » (tel que, par exemple à Rouen le 26 septembre 2019, le manifeste à nouveau l’incendie de l’usine Lubrizol) : en faire l’histoire, avec toute la force discursive que confèrent tant un savoir impeccable que la langue alerte et serrée qui l’exprime, c’est faire de la « dénaturalisation » du passé la condition pour que l’avenir donne à voir autre chose que la répétition sempiternelle des catastrophes.

Gilles